Le temps du procès comporte des délais incompressibles auxquels s'ajoute le temps de l'expertise judiciaire, indispensable à la détermination contradictoire des causes des désordres et des responsabilités respectives.
Être particulièrement attentif aux délais de prescription en matière de droit de la construction est donc indispensable.
Encore faut-il être informé des causes d'interruption et de suspension des délais de prescription et de forclusion, et des effets produits par elles.
Selon les articles 2239 et 2241 du code civil, la demande en justice, même en référé, a pour effet de suspendre et d'interrompre les délais de prescription (à noter qu'il en est autrement pour les délais de forclusion non étudiés ici).
Dans cette affaire, la société BOUYGUES confia à la société STPCL l'exécution de travaux de voirie et réseaux divers dans la propriété de particuliers, les consorts Q.
A la suite du dépôt de l'expert judiciaire - désigné à la requête des consorts Q., la société BOUYGUES assigna la société STPCL.
La Cour d'appel d'Aix-en-Provence condamna ladite société STPLC au paiement de diverses sommes à la société BOUYGUES (59 114 euros HT au titre des travaux de reprises de désordres, 9 150 euros HT au titre des travaux de reprise des travaux supplémentaires et de 10 000 euros HT à titre d'indemnisation du préjudice financier subi du fait des travaux d'indemnisation réalisés pour le compte des consorts Q).
La société STPLC fit appel de cette décision au motif de la violation des dispositions des articles 2224, 2239 et 2251 du code civil dès lors que la Cour a écarté la fin de non recevoir tiré de la prescription de l'action de la société BOUYGUES en considérant que l'assignation en référé des consorts Q. avait suspendu et interrompu le délai prescription de l'action exercée par la société BOUYGUES contre la société STPLC, alors même que cette demande d'expertise avait été sollicitée par les consorts Q. et non par la société BOUYGUES.
La Cour de Cassation va faire droit à ce moyen.
Tout d'abord, la Cour va rappeler que le délai de prescription applicable dans cette affaire est bel et bien celui de cinq années (cf. article 2224 du code civil et L.110-4 du code de commerce).
Puis, la Cour va censurer la Cour d'appel d'avoir condamner la société STPCL au paiement de différentes sommes à la société BOUYGUES dès lors que :
- seule une initiative du créancier de l'obligation peut interrompre la prescription et lui seul peut revendiquer l'effet interruptif de son action et en tirer profit (Cass. com., 9 janvier 1990, n° 88-15.354 ; Cass. 3e civ., 14 février 1996, n° 94-13.445 ; Cass. 2e civ., 23 novembre 2017, n°16-13.239) ;
- la suspension de la prescription, faisant suite à l'interruption de celle-ci au profit de la partie ayant sollicité la mesure en référé, tend à préserver les droits de cette partie durant le délai d'exécution de la mesure et ne joue qu'à son profit (Cass. 2e Civ., 31 janvier 2019, n°18-10.011).
Partant, "En statuant ainsi, alors que l'interruption, puis la suspension de la prescription quinquennale de l'action en responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur quant aux désordres révélés en l'absence de réception de l'ouvrage n'avaient pas profité à la société Bouygues, l'instance en référé ayant été introduite par les consorts Q..., la cour d'appel a violé les textes susvisés.".
Arrêt Commenté : Cour de Cassation, 3ème civ. 19 mars 2020, n°19-13.459 (Publié au Bulletin)
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