Par deux arrêtés des 4 juillet et 6 décembre 2016, la Maire de Paris délivra à un particulier un permis de construire et un permis de construire modificatif portant sur la construction d’une maison individuelle dans le 11ème arrondissement de Paris.
Ces autorisations furent contestées par deux syndicats de copropriétaires aux motifs, notamment, de l’absence de qualité du pétitionnaire pour déposer de telles demandes, dès lors qu'il ne disposait pas de l’autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires.
Le Tribunal administratif de Paris fit droit à leur demande d'annulation.
Le Tribunal a retenu quatre motifs d'illégalité, et, l'un d'eux - le motif d'illégalité tiré de la fraude entachant le permis de construire modificatif - va être censuré.
Le Conseil d'Etat va tout d'abord rappeler que les autorisations d'urbanisme sont délivrées sous réserve du droit des tiers (A.424-8 du code de l'urbanisme), puis juger que :
"Il résulte également de ces dispositions qu'une demande d'autorisation d'urbanisme concernant un terrain soumis au régime juridique de la copropriété peut être régulièrement présentée par son propriétaire, son mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par lui à exécuter les travaux, alors même que la réalisation de ces travaux serait subordonnée à l'autorisation de l'assemblée générale de la copropriété."
En d'autres termes, il appartiendra à l'assemblée générale des copropriétaires de saisir le juge judiciaire pour la violation de ses droits et faire obstacle à la réalisation des travaux mais cela ne saurait fragiliser, sur le plan administratif, l'autorisation d'urbanisme obtenue.
Pour retenir l'existence de manœuvres frauduleuses du pétitionnaire, le Tribunal avait considéré que le pétitionnaire avait attesté de sa qualité pour déposer une demande de permis de construire modificatif alors même que le syndicat des copropriétaires et une copropriétaire l'avaient alerté sur la nécessité d'obtenir l’autorisation préalable de l'assemblée générale des copropriétaires.
Ici encore, le Conseil d'Etat va censurer cette appréciation et juger que "Une telle contestation ne saurait, par elle-même, caractériser une fraude du pétitionnaire entachant d'irrégularité la demande d'autorisation d'urbanisme."
Rappelons que l’article R. 423-1 du code de l’urbanisme réglemente les personnes habilitées à déposer une autorisation d'urbanisme.
Néanmoins, et depuis la réforme du 1er octobre 2007, les services instructeurs ne contrôlent plus le titre et/ou la qualité que le pétitionnaire prétend détenir pour déposer une telle demande d'autorisation d'urbanisme.
Il s'agit d'un système déclaratif aux termes duquel chaque pétitionnaire déclare remplir les conditions définies à l'article précité R. 423-1 en cochant une case du formulaire CERFA (cf. R.431-5 du Code de l'urbanisme).
Aux termes de la jurisprudence récente du Conseil d'Etat :
- le titulaire d'une promesse de vente est en droit de solliciter une autorisation d'urbanisme quand bien même sa validité est contestée devant le juge judiciaire dès lors, qu'au moment du dépôt de la demande et de son instruction, ce dernier dispose du droit de déposer une telle demande et qu'aucune fraude n'est alors commise (Conseil d'Etat, 12 février 2020, n°424608) ;
- sur des terrains soumis au régime de la copropriété, il n'appartient pas aux services instructeurs de refuser une telle demande au seul motif que l'assemblée générale des copropriétaires n'aurait pas préalablement autorisé les travaux, et cela, même s'il existe un litige à ce sujet. En effet, toute contestation sur la réalisation de tels travaux devra être portée devant le juge judiciaire.
Arrêt commenté : Conseil d'Etat, 3 avril 2020, n°422802, mentionné au recueil Lebon
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